Cette semaine, l’assemblée nationale (qui ne mérite pour le coup aucune majuscule) a voté en seconde lecture le projet de loi LOPPSI2, qui instaure, dans son article 4, une censure administrative d’Internet, sans aucun contrôle judiciaire.
Essayons de voir de quoi il retourne et expliquons cela en français facile …

donc, allons droit au but, qu’est-ce que la LOPPSI2 article 4 ?

C’est une loi, qui dit que les gendarmes français du net pourront demander aux 6 plus gros fournisseurs français d’accès à Internet de censurer les sites pédophiles sur Internet, sans aucun contrôle d’un juge.

Elle part d’une bonne intention (lutter contre la pédophilie), sauf que cette loi est une honte pour notre pays, une abomination pour nos politiciens, et, j’espère, ne servira jamais, et voici pourquoi en détail :

Une loi votée par personne

Tout d’abord sur la manière dont cette loi a été votée :

– les députés, censés voter les lois, qui sont 577 quand ils sont derrière les caméras de télévision le mercredi pour faire les clowns, et parce qu’il faut bien faire croire qu’ils bossent, et bien, ils étaient 27 ce soir là pour voter cette loi !

– Les 550 autres députés étaient absents, et pourtant, participer au vote des lois, c’est leur métier, ils sont payés pour ça, et élus pour ça, point. Vous devriez donc commencer par demander des comptes à votre député …

Une loi qui ne servira à rien

Ensuite, sur l’article 4 de la LOPPSI :

Il prétend rendre inaccessible les « sites pédophiles » :

Or, un « site pédophile » ça n’existe pas ! Au pire, les criminels utilisateurs de ce type de service se cachent, passent par 36 trucs techniques pour se planquer, et donc la censure telle que le prévoit la loi ne les touchera en aucun cas.

Essayez vous-même : en pratique, si l’on cherche sur Internet, dans les moteurs de recherche, et même en fouillant aussi loin que possible, on ne tombe pas sur des contenus pédophiles, ils sont cachés.

À la rigueur, un « site pédophile », quand ça existe, c’est constitué de quelques pages web sur un serveur piraté montrant des contenus illégaux, et quand on prévient le propriétaire du serveur, dans 98% des cas, les pages sont enlevées dans l’heure qui suit. En insistant un peu, on tombe à 100% : un groupe allemand a ainsi réussi à faire retirer du net des contenus illégaux par de simples emails ou coups de téléphones aux hébergeurs.

Donc jusque là je ne vois pas en quoi on a le besoin de censurer des « sites pédophiles » sur Internet qui n’existent pas …

Lorsque l’on parle aux gendarmes du net (ceux qui savent aussi bien que moi comment marche Internet) ils nous disent que cette loi sera inefficace, et que, bien pire, elle les empêchera de faire leur travail, puisque les criminels qui échangent des contenus pédophiles se cacheront bien mieux. En effet, cette censure leur imposera d’utiliser des chemins détournés, invisibles pour les forces de l’ordre.

Le seul argument que les partisans de Loppsi2-article4 opposent à cela est que cette loi agira rapidement contre la pédophilie … C’est donc faux, elle ne sera ni rapide ni efficace, et ne servira à rien.

La seule loi qui pourrait avoir le moindre effet contre les pédophiles sur Internet consisterait à peser de tout son poids sur la suppression des contenus là où ils sont, y compris à l’étranger. À défaut, en faisant confiance aux hébergeurs de serveur, qui réagissent toujours rapidement aux signalements de ce type de contenu.

Il n’est donc nullement besoin d’une censure qui consiste, comme on a pu le lire récemment dans les médias, à « assistant à un viol, se boucher les yeux et les oreilles, et ainsi prétendre que rien n’a eu lieu ».

Une liste secrète

Ensuite, (on est loin du bout hélas) la liste des sites censurés sera secrète (on ne va pas faire la publicité de pédophiles dans le journal officiel !). Donc, rien n’empêchera le gouvernement de mettre dans cette liste des sites politiques, d’information (comme wikileaks) ou tout autre personne qu’ils voudraient censurer ! C’est donc extrêmement dangereux que de laisser un tel moyen de censure entre les mains des gendarmes et du gouvernement sans aucun contrôle ou aucun recours possible !

Qui censurera ?

Ensuite, cette loi s’appliquera aux grosses sociétés qui fournissent de l’accès à Internet en France, (donc, a priori, Orange, Free, Neuf/Sfr, Darty, Bouygues, Numéricable) mais tous les autres petits fournisseurs (nombreux) ne seront pas concernés ! Ils n’auront donc pas l’obligation de censurer leur accès à Internet pour leurs clients ! étonnant, non ?

Note : des petits fournisseurs d’accès, j’en connais personnellement 12 autres, dont 2 pour lesquels je travaille…

Le problème de ne pas exiger des petits fournisseurs d’accès de censurer eux aussi ces « sites pédophiles » est à double tranchant :

– si on ne leur demande pas de les censurer, il y a une inégalité des citoyens devant la loi, et donc cette loi m’apparaît illégale.

– si on leur demande de censurer, ils recevront donc cette liste secrète de censure eux aussi, et croyez-moi, cette liste ne restera pas secrète longtemps !

Moralité : non seulement cette liste de censure ne fera rien contre les « sites pédophiles », mais elle leur fera de la publicité !

Que cela cache-t-il ?

Enfin, si on a confiance dans nos hommes politiques pour être malins et ne rien faire au hasard, on en déduit qu’ils ont forcément écrit cette loi pour de bonnes raisons. Ils savent donc qu’elle ne servira à rien pour lutter contre la pédophilie.

Ils ont donc d’autres intentions.

Et la seule intention que je peux voir aujourd’hui, c’est une volonté de censure générale sur Internet via cette loi, et un tel projet est la partie la plus honteuse et abominable.

En effet, si aujourd’hui cette loi ne vise qu’à virtuellement supprimer les contenus pédophiles d’Internet par le biais de la censure, elle pourra très rapidement être généralisée à toute information pouvant gêner un gouvernement ou leurs amis lobbyistes (les majors du disque et les vendeurs de tabacs font déjà le pied de grue auprès des ministères afin de faire censurer pareillement les sites Internet de téléchargement, de vente de tabac etc.)

Il est donc temps que les citoyens demandent des comptes à leurs députés pour avoir laissé passer un tel projet inutile et dangereux ! Et ce, du fait de leur absence coupable sur les bancs de l’Assemblée Nationale.

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